09/01/2025
J'ai toujours été de celles et ceux qui, le premier de l'an nouveau approchant, réfléchissent à leurs bonnes résolutions. J'ai aussi, souvent, été de celleux qui, dès le deuxième jour de l'an nouveau, les brisent comme des fétus de paille sans plus s'en préoccuper.
Sauf quand ça touchait à l'écriture, mais ça, ce n'est pas tant le pli d'une bonne résolution, imprimé au fer rouge sur les calendriers de ma vie, que celui amidonné d'une habitude qu'il me tarde de retrouver.
Depuis que j'écris, j'ai toujours fait en sorte de trouver du temps pour ça. Il y a eu des années où mon emploi du temps et ma santé mentale me permettaient application et régularité, et d'autres (la majorité) où j'ai écrit de manière plus sporadique. Mais toujours, toujours, il y a eu une place pour l'écriture dans ma vie. En termes d'objectifs, en-dehors de celui donné par le NaNoWriMo, je ne suis pas trop une adepte des chiffres. J'admire les auteurices capables de dire (et d'avoir raison) qu'il leur faudra tant de temps, tant de mots pour tel projet, mais ce n'est pas un savoir que je cherche à acquérir. Et donc, d'année en année, ce que je résolutionne, c'est de trouver du temps pour l'écriture — et d'utiliser moult néologismes.
Mais l'écriture, ce n'est pas que l'acte d'écrire. Chaque année, je fais le souhait de m'octroyer du temps pour réfléchir à mes idées, en laisser germer de nouvelles, discuter avec d'autres des leurs ; planifier, réécrire, nourrir mon imaginaire. Rappelons que l'idée de L'Hôtel Imaginaire m'est venue alors que je rentrais des courses et que je laissais à mon esprit le loisir de vagabonder : si je suis une fervente défenseuse du brainstorming, je crois aussi qu'il faut laisser les choses venir à soi. Et donc, mes résolutions 2025 sur le sujet ?
D'abord, ça passe par la lecture. Bien que des exemples prouvent qu'on peut être écrivain·e sans jamais ouvrir un livre, j'estime que ma moi lectrice participe à la construction de ma moi autrice, et que sans lire je n'écris pas. Alors avant de me donner du temps pour créer, il me faut du temps pour découvrir ce qui l'est déjà, et j'ai décidé que cette année, je lirai 30 minutes par jour. Avant de me coucher, au réveil, en mangeant, en fractionné : peu importe. D'ailleurs, même si ce n'est pas vraiment trente minutes, on s'en fiche : ce qui compte, c'est de trouver ne serait-ce que dix secondes pour ouvrir un livre.
A ceci vient s'ajouter un problème épineux : ma pile à lire est gigantesque (69 livres papier au 01/01, je refuse de compter les livres dématérialisés) ET ma bibliothèque un peu pleine. Je pourrais en racheter une, c'est vrai, mais je n'ai pas vraiment la place et pas vraiment les sous, et ça ne me permettrait pas de lire plus (par contre, d'entasser plus de livres, ça, oui). Il faut savoir que j'aime l'endorphine, et surtout l'endorphine facile ; j'aime bien les jeux de hasard, surtout quand je ne risque pas d'y perdre de l'argent.
Connaissez-vous notre seigneur et sauveur, le tirage au sort ?
(déso à Kemp, qui que ce soit, pour cet éhonté montage)
J'ai fait un Excel. Voilà fin — non, pas vraiment. Dedans, j'ai listé tous les livres de ma PAL, et depuis le début de l'année (y a une semaine, donc) j'utilise un site de tirage au sort pour choisir ma prochaine lecture. C'est honnêtement SUPER, j'ai ma petite dose de frisson à chaque fois et la petite satisfaction de me dire "Ah trop bien, j'avais vraiment envie de le lire, celui-là !" (j'ai envie de tous les lire, c'est ça qui est vraiment chouette.) Pas mal de monde, c'est-à-dire au moins trois personnes, ont décidé de me suivre dans cette roulette qui n'a rien de russe, alors si vous aussi ça vous tente : feel free, de toute façon, y a un monde où j'ai piqué l'idée sur un TikTok vu il y a six mois.
La lecture, c'est bon, c'est acté, et c'est bien aidé par le fait que je passe environ une heure dans les transports en commun tous les soirs pour rentrer du salariat, désormais. Mais l'écriture, alors ?
J'aurais pu, comme en 2022, m'astreindre au miracle morning, me lever à 5h et écrire tous les matins. LOL. Depuis j'ai compris que le sommeil c'était cool, surtout quand il est aussi précaire que le mien actuellement, donc plutôt pas trop partante. J'aurais pu, comme pendant mes années étudiantes, écrire de 22h à minuit tous les soirs ou presque. Mais maintenant j'essaie de me coucher tôt, re: le sommeil c'est cool, donc ça non plus ce n'est pas vraiment une option envisageable.
A la place, j'ai décidé de dédier une demi-journée, plutôt le samedi, à la création. J'ai plusieurs idées de romans qui somnolent, dont deux qui me reviennent quand même souvent en tête : un thriller et une fiction fantastico-historique/horrifique.
(Moi à trois heures du matin, quand le sommeil s'élude)
Trois ou quatre heures, pour moi c'est envisageable, et surtout ça fonctionne bien mieux que quelques minutes par-ci, par-là (ici encore, j'admire celleux qui parviennent à créer par tranches de dix minutes). D'abord, je vais planifier ces deux idées et voir comment les étirer pour en faire des ébauches de romans. Pour ça, je vais utiliser le deck Fabula, dont mon amie Pauline a utilisé la version Edito et m'en a dit des nouvelles. J'aime assez l'idée de voir ma planification, là où je passe habituellement par un tableur Excel (oui, encore lui), et j'ai une porte de salon qui ne demande qu'à être agrémentée de cartes et de post-its.
Ensuite, je verrais bien. Mes résolutions sont sciemment larges et peu contraignantes, parce que sinon je ne les tiens pas. Je ne veux pas dire "En 2025, j'écris deux romans" ou autre "En 2025, je publie". Il est possible que j'avance sur les deux projets à la fois, ou bien chacun leur tour, ou alors que je décide que le samedi, je préfère dormir ou aller voir des amix. Qui sait ? Pas moi, pas vous non plus.
Bientôt donc, quand j'aurais commencé cette histoire de planification, je viendrai ici vous parler plus en détails de ces deux sans-doute-futurs-romans.
Et en attendant, j'espère que vous, ça va <3
25/10/2024
Il faut que je vous avoue quelque chose : j'ai peur. Depuis que j'ai su que L'Hôtel Imaginaire allait être édité, je n'ai quasiment travaillé que sur ce texte, n'écrivant qu'en ateliers d'écriture, sur des nouvelles ou sur la romance que j'ai décidé de reprendre depuis le début (mais un autre jour qu'aujourd'hui). Et si j'ai peur, c'est parce que je me demande si je suis encore capable de finir un roman. Ou même d'en commencer un, d'ailleurs.
Pas que je pense que L'Hôtel soit mon chant du cygne (au contraire, je me souhaite qu'il ne soit que le commencement), mais... et si j'avais vidé toute ma créativité dans ses trois cents pages ? Si j'y avais mis toute mon énergie créatrice, s'il ne me restait rien que des batteries vides et inutilisables ? J'ai bien conscience que je mets Paris en bouteille et pourtant, je n'arrive pas à refouler le doute. Je ne manque pas d'idées, en témoigne mon carnet d'écriture qui fourmille de pas moins de 7 projets différents, mais... et si je n'en étais pas capable ? Si je n'étais pas à la hauteur des attentes, celles du milieu littéraire et celles de mon tout frais lectorat ?
Récemment, j'ai parlé de ce sentiment avec d'autres artistes-auteurices, et j'ai été bien soulagée de constater qu'il était non seulement commun mais aussi universel, ce qui veut dire deux choses : je ne suis pas originale ET ça se soigne. Pourquoi ça m'a apaisée ?
Et bien d'abord, j'aime l'idée d'être comme tout le monde. Si j'ai longtemps voulu cultiver mon individualité, aujourd'hui je préfère largement passer mon temps entourée de gens qui me ressemblent. "I'm not like other girls", c'est overrated, voilà, je l'ai dit. Ça vaut pour la vie quotidienne mais aussi pour l'écriture, puisque je fais partie des gens qui défendent bec et ongles l'expression qui dit qu'on invente plus rien : tout a déjà été raconté, c'est la manière dont on choisit de le faire qui compte, et même ça, ça n'a pas besoin d'être original. Que ce soit nos séries préférées ou nos livres favoris, tout se compte en tropes, clichés et schémas narratifs vus et revus, et ce n'est pas grave. Attention, je ne dis pas là qu'il faut fuir l'originalité, la différence ou le progrès, mais qu'on a le droit de pas vouloir être acteurice d'une révolution littéraire à chaque fois qu'on ouvre un fichier texte. Et moi, je n'ai rien envie de révolutionner, en tout cas par pour le moment. J'aime l'idée de découvrir de nouvelles choses et de m'essayer à de nouveaux genres sans la pression de devoir être particulière, pression qui parfois, je le vois bien, habite et abîme mes ami·es créateurices, et en ce moment-même, me bloque. (mes copaines auteurices et moi)
Quand j'ai soumis L'Hôtel Imaginaire, ce retour est revenu deux fois : "manque d'originalité dans la structure" et c'était vrai, et je revendique toujours n'avoir pas voulu réinventer l'eau chaude avec ce roman, mais ça a quand même été douloureux à recevoir. A l'ère du numérique, où les trends s'enchaînent, faudrait-il aussi écrire toujours plus innovant ? Mais l'innovation, qu'est-ce que c'est, même, quand on sait que les maisons d'éditions sont toujours plus frileuses à choisir des textes engagés ou qui sortent des codes du moment ? Et si ma peur, au fond, c'était ça : ne plus jamais écrire quelque chose qui mérite d'être publié ?
Réflexion qui me mène à mon second point : ça se soigne.
Ce que j'ai ressorti de mes conversations avec d'autres créateurices, c'est que ce ventre mou que je ressens depuis la publication de mon premier roman va passer. Quand on crée avec le cœur (les techbros et l'IA générative, je vous vois et je vous juge), on y retourne toujours, et cette sensation, c'est aussi le chemin de la maturité. En publiant un roman que j'ai mis quatre ans à penser, écrire et réécrire, j'ai condensé tout un pan de mon existence, et il faut le temps de digérer ça. C'est long, de créer, c'est ardu, mais ça en vaut la peine.
Maintenant que je suis une autrice publiée, j'ai un peu peur de me sentir obligée de chercher à éditer tout ce que j'écris, mais en fait, ça, c'est à moi d'en décider. Je peux écrire juste pour le beau jeu, sans chercher de récompense, et peut-être que comme L'Hôtel Imaginaire, ça marchera, ou que comme les romans qui ornent mes disques durs externes, ce sera un bon entraînement.
Ainsi donc, je vais guérir de cette maladie qui m'accable (marrant, car j'ai aussi une angine carabinée) et me remettre à écrire des choses qui seront ou ne seront pas originales, et ce sera très bien. Je vais créer et écrire pour le plaisir de, l'art de, et ce sera cool : comme je suis une suiveuse de modes, je manifeste tout ça dans mes sessions futures — la meuf la plus commune du monde, je vous l'ai dit.
J'espère que vous, ça va, et si vous êtes dans le même marécage de doutes que moi, venez on se fait un café Méthode Coué et on se remonte les manches ensemble ?
La bise !
10/09/2024
En 2017, je commence à écrire un roman. En 2018 je le termine, et jusqu'en 2022, je le retape. Inlassablement. Je refuse de m'en défaire, je traîne des pieds quand il faut écrire sur autre chose tant que ce roman ne sera pas terminé, jusqu'à ce que je réalise que je ne suis plus l'autrice que j'étais il y a cinq ans, et que je ne serai jamais satisfaite de ce roman.
Ce n'était pas grave. C'était même rassurant : ça voulait dire qu'un manuscrit pouvait être comme un vêtement d'enfant, parfaitement à la bonne taille jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'on a grandi et qu'il ne peut plus contenir ce qu'on est devenu.
(Même Simba finit par devenir grand, c'est ainsi. Désolée si vous avez L'Histoire de la vie en tête.)
J'en avais déjà parlé sur Instagram (où j'ai initialement lancé la série des "De l'art de..."), et j'en concluais que ce manuscrit, si j'avais eu besoin de l'écrire, je n'avais pas besoin d'en faire quelque chose. J'avais même très justement écrit "il faut se pardonner de ne pas réaliser les rêves qu'on a un jour eu", un mantra qui me tient particulièrement à cœur encore aujourd'hui, et une très bonne amie m'avait conseillé d'écrire sur ce que j'avais envie maintenant, pas sur ce dont j'avais eu envie d'écrire il y a cinq ans. La sagesse, mes ami·es, ça se partage.
Ainsi donc, j'ai laissé ce manuscrit dans les tréfonds de mon ordinateur (et imprimé et relié dans ma bibliothèque, encore orné des notes de ma dernière relecture), et je me suis lancée sur autre chose. Il est drôle de constater que le roman que j'ai commencé à écrire ensuite subira, peu ou prou, le même sort. En 2021, non contente de moi-même trouver l'amour, je me mettais en tête d'écrire une romance. Pas une rom-com, bien que j'adore le genre : je ne m'estime pas très drôle, à l'écrit, et sans "com", la recette ne prend pas aussi bien. Très vite se dessinent deux personnages, une intrigue, tout tient la route selon la formule classique de la romance (rencontre, premier contact physique, baiser, sexe, rupture, réconciliation), bref, tout va pour le mieux sous le Sunlight des Tropiques... ou pas.
Cette histoire, bien que je l'adore, me laisse sur le bout de la langue un je-ne-sais-quoi qui m'empêche d'avancer. J'écris quand même un peu plus de 40 000 mots sur ce que j'appelle "le premier premier jet", sans aller au bout. Je décide d'abord, en 2023 (deux ans après, oui, entre deux j'ai travaillé sur la sortie de mon premier roman, L'Hôtel Imaginaire, ça m'a bien occupée), de tout réécrire à la troisième personne du singulier, moi qui pourtant n'écrivait quasiment qu'à la première, jusqu'ici, dans l'espoir que ça suffise. Que ce soit un changement assez gros pour résoudre tous les problèmes que j'ai avec cette histoire, alors même que je n'en discerne pas la moitié.
Évidemment, vous vous en doutez (sinon, ce billet d'écriture n'existerait pas), ça ne marche pas. Ou plutôt, ça marche, mais ça ne suffit pas : on ne répare pas un barrage fissuré avec du sparadrap. Cette romance, je me la traîne depuis déjà 3 ans, maintenant, et je ne parviens pas à en faire ce que je veux. Et s'il était temps de réfléchir, au lieu de m'entêter ? J'en suis venue à un point de non-retour, où je me sens obligée de la finir sans avoir aucune envie de continuer à l'écrire. Je sais les fondations bancales, l'intrigue capillotractée par moments, les conflits internes des personnages mal gérés. Ce n'est pas grave, dans un premier jet, mais à ce stade ça me dérange et ça m'empêche d'avancer.
En plus, et peut-être surtout, j'ai envie d'écrire autre chose.
Après beaucoup, beaucoup de réflexion, et l'appui du génial cerveau de l'amie qui était déjà de bon conseil en 2022 et qui m'aide à brainstormer, le problème majeur devient limpide : cette romance, ce n'est pas une romance. Cocasse. Après quelques minutes de dépit (et au lieu d'y passer cinq ans, comme la première fois), la décision vient vite. Si ce n'est pas une romance, il faut arrêter de l'écrire comme telle, et recommencer à zéro. On efface tout et on recommence, mais pas tout de suite. Entre 2021 et 2024 j'ai appris, et maintenant je lâche prise sans trop de stress ni de culpabilité. Cette romance-pas-une-romance, je l'écrirai un jour où l'autre (ou pas, d'ailleurs, et le monde n'en cessera pas de tourner), mais en attendant, et pour lui laisser le temps de mûrir, de gonfler comme une bonne pâte à pain, je vais me pencher sur un projet qui m'enthousiasme bien plus et fait vibrer mon âme d'autrice.
(mon roman, pas encore prêt à enfourner)
Ainsi donc, aujourd'hui j'accepte qu'il faut parfois tout reprendre du début, et je réalise qu'il y a dans cet exercice une certaine liberté jusqu'ici insoupçonnée. Il y a une force qui fait avancer, dans l'acte de dire "j'ai créé ceci, ce n'est pas ce que je voulais, ce n'est pas pour autant mauvais, mais je n'y toucherai plus". Mais tout recommencer, ce n'est pas forcément ramasser la glaise pour en faire une nouvelle boule ; c'est parfois mélanger l'argile et l'eau dans un nouveau récipient, en ayant en tête un projet qui n'a absolument rien à voir.
A la fin de septembre 2024 sort mon premier roman, et je découvre la peur apparemment universelle de ne plus savoir écrire. Et si j'étais incapable d'écrire à nouveau un roman entier ? Un roman publiable ? Et si celui-ci était le seul, l'unique, à la fois le début et la fin du chemin ?
Calmos, la vie est un éternel recommencement. Mes craintes sont légitimes, mais elles n'en sont pas moins stupides (ça aussi, le réaliser donne de la force), et surtout, elles sont fausses et limitantes. Il n'y a qu'en faisant qu'on apprend, et c'est en écrivant peu importe la finalité du projet (dans un disque dur, dans un tiroir, sur les étals d'une librairie) qu'on avance. Alors ici aussi, je reprends tout à zéro. J'ai avec moi le carnet qui me sert à noter mes idées d'écriture, mes jolis stylos, et la médiathèque ouverte pour aller y planifier ce nouveau roman.
Je ne sais pas exactement quelle conclusion apporter à ce billet, si ce n'est qu'il faut parfois se forcer à retourner à la case départ. Ça ne veut pas dire abandonner, on a tout loisir d'y revenir plus tard — c'est comme le linge propre, on finira toujours par le ranger. Savoir s'arrêter, savoir dire "pause", c'est aussi savoir ouvrir ses horizons à d'autres possibles. Et si vous êtes capable d'écrire sur plusieurs manuscrits en même temps sans vous emmêler les pinceaux, je vous déteste cordialement (et vous jalouse secrètement).
J'espère que vous, ça va, et que votre rentrée, peu importe sa forme, se passe bien !
17/07/2024
Quand on m'a demandé une note d'intention pour L'Hôtel Imaginaire, je l'avoue, j'ai vu un peu flou. Assez étonnamment, ça m'a paru plus ardu que d'écrire le synopsis (pas que j'ai trouvé cet exercice-là facile, mais bon). Moi, ce roman, à la base je l'ai écrit parce que j'en avais eu l'idée, c'est tout. Il a donc fallu que je réfléchisse différemment, que je me demande quels messages j'avais voulu faire passer dans ces 308 pages. Et finalement, j'en avais, des choses à dire.
L'un des thèmes principaux du roman, c'est la découverte de soi à l'âge adulte (quoi que "l'âge adulte" veuille dire), et si ça me tient tant à coeur, c'est parce que du haut de mes vingt-sept ans, je réalise souvent qu'être adulte c'est quand même beaucoup de poudre aux yeux et d'apprentissage sur le tas. Par exemple, j'ai appris seulement cette année comment bien lire ma déclaration d'impôts et je ne repasse toujours pas mon linge, mais je crois savoir les grandes lignes de ma personnalité, de mes envies et de mes besoins - c'est déjà bien. (moi devant ma fiche d'imposition)
Méline, l'une des deux protagonistes de mon roman, est tiraillée entre deux identités sociales et craint toujours de n'en hériter que le pire. Elle ne sait pas encore qui elle est, elle, en-dehors des boîtes dans lesquelles la société (féerique comme humaine) voudrait la ranger. Echo, le second protagoniste, fonctionne un peu comme son miroir déformant. Il a grandi toute sa vie dans une case qui lui allait jusqu'ici plutôt bien mais confronté à la liberté de faire ses propres choix, il interroge tout ce qui lui a été inculqué pour façonner ses propres idées.
A travers leurs deux points de vues, l'une motivée par le sens du devoir et l'autre par la force de l'amour qu'il donne et qu'il reçoit, j'ai voulu montrer que l'ont peut évoluer dans le même milieu, vivre les mêmes expériences et pourtant en retirer des leçons très différentes. Si leur amitié est solide et profonde, leurs buts, leurs besoins et leurs envies sont très différents, ce qui ne les empêche jamais de s'épauler avec respect.
Mais alors pourquoi de la cosy fantasy, et pas quelque chose de plus classique ? Parce que moi, la fantasy épique et médiévaliste, j'en ai un peu marre. Je n'ai pas du tout prétention à révolutionner le genre (et ce n'est pas ce que j'ai fait ici), mais j'avais envie d'écrire le genre de livres que j'ai envie de lire : de la magie ancrée dans le monde réel, sans roi ni reine ni guerres de royaumes ou de trônes, et un enjeu qui ne soit pas la fin du monde™. C'est pour cela que le choix de l'hôtel comme lieu principal de l'intrigue a été une évidence. C'est à la fois le cœur et le cerveau de ce roman, là où tout démarre mais aussi là où tout finit. J'y alterne les scènes d'actions et les scènes de la vie quotidienne des employé·es et des client·es. Méline, ma première protagoniste, est avant tout la fille de ses parents, et ses parents sont les gérants de l'Hôtel Imaginaire. C'est son héritage et son lieu de vie et, tout le long du roman, elle en fait sa priorité, posant ainsi la question de l'importance de nos racines familiales dans nos constructions personnelles. Pour Echo aussi, c'est un lieu clé : l'Hôtel Imaginaire est sa deuxième maison, celle qu'il a choisie et où vivent celleux qu'il considère comme sa famille.
En sous-texte, ce roman parle aussi d'écologie, un sujet bien vaste qui depuis quelques années me tient beaucoup à cœur. Je ne vais pas vous mentir, j'ai longtemps pensé que le trou dans la couche d'ozone et le réchauffement climatique, c'était pas si pire - puis j'ai changé d'avis et depuis, je suis éco-anxieuse (après, je suis globalement anxieuse tout court, mais ce n'est pas le sujet). Dans L'Hôtel Imaginaire, les fées ont beaucoup de colère vis-à-vis de la manière dont les humains traitent la nature. Parquées dans des espaces naturels de plus en plus petits, leurs habitats détruits par l’industrialisation, la pollution, le pillage des ressources naturelles, elles voient chaque jour les dégâts gagner du terrain et leur source de magie diminuer, et c'est cette colère qui va pousser certaines d'entre elles à se tourner vers de sombres forces pour lutter contre un ennemi qui leur paraît impossible à vaincre.
L'Hôtel Imaginaire est donc avant tout une ode à l'amitié, à la découverte de soi, à l'amour et à la nature, le tout dans un roman qui invite à l'évasion mais n'hésite pas à vous montrer ses côtés sombres pour autant.
Si vous voulez le lire, ce roman est disponible sur le site de mon éditeur : https://tirage-de-tetes.fr/produit/lhotel-imaginaire-broche/ - chaque exemplaire papier sera envoyé signé et accompagné d'un marque-page fin septembre, et si vous êtes curieuxses, le premier chapitre est disponible ici : https://www.calameo.com/read/0076964148e0bf5546fcf?authid=I6FGS6flPGb4
La bise,
Anaïs
01/07/2024
Octobre 2020.
Le National Novel Writing Month, challenge annuel d'écriture auquel je participe religieusement depuis 2013, c'est dans un mois. J'ai des idées, des bouts d'intrigues notées dans des carnets, mais aucune ne m'appelle. Moi qui ait découvert il y a quelques années que planifier était source de joie, je suis un peu paumée : sur quoi écrire, cette fois ?
C'est à la faveur d'un retour de courses que j'ai l'illumination. J'entends une pub que je n'écoute que d'une oreille mais les connections neuronales se font et quelque part dans les tréfonds de mon imagination, quelque chose se passe. Je n'en ai plus la trace, mais je suppose que j'envoie à mon amie Pauline une palanquée de longs messages, écrits ou vocaux, qui détaillent tout, et je range mes courses dans le frigo avec la sérénité de ceux et celles qui savent ce sur quoi iels vont bientôt plancher. J'achète immédiatement un nouveau carnet (habitude depuis perdue, maintenant je n'en ai qu'un pour toutes mes idées littéraires), jaune soleil pour contrer le gris de novembre et le froid de ma maison qui n'est pas encore munie de radiateurs fonctionnels (ni d'isolation thermique. Oui, c'était un problème.) Aidée par le Guide de planification officiel du NaNoWriMo, dont j'avais fait cette année-là une traduction pas du tout officielle, je passe le reste d'octobre à tout prévoir.
Moi, mon kif, c'est les tableurs Excel. J'aime le côté rangé de ses cases bien ordonnées, les codes-couleurs faciles à appliquer. Si dans mon carnet, j'ai noté tout le lore de ce roman, c'est sur Excel que je crée mon plan chapitre par chapitre - tout en ayant bien conscience que tout, et surtout ce que je n'ai pas vu venir, va changer entre le moment où je réfléchis mon plan et celui où j'aurais terminé d'écrire ce roman. (Preuve en est, j'avais prévu une bataille épique qui, si à mon humble avis est toujours très épique, tient moins de la bataille à la Seigneur des Anneaux et plus de duels en rangs d'oignons - une super image pour vous donner envie de me lire, d'ailleurs.)
Et donc, ce roman, je commence à l'écrire en novembre 2020, sous le titre de Fées et Gobelin, car pourquoi faire compliqué ? (je déteste juste trouver des titres, en réalité...) Sur Scrivener, mon autre outil d'écriture favori, je tape 50 000 mots en trente jours, no small feat comme on dit de l'autre côté de la Manche, où je me baignais encore à l'époque, d'ailleurs. (J'ai fini par avoir le chauffage, aussi, et je peux vous promettre qu'écrire à côté de la cheminée n'est pas aussi confortable que ce que Pinterest et Instagram voudraient nous faire croire.)
50 000 mots... mais pas de fin. Pas avant...
Mai 2022.
Aidée par l'impulsion de mes ami·es et de l'être aimé, j'ai obtenu une place aux rencontres auteurices/éditeurices organisées par les Imaginales, festival littéraire SFFF d'Épinal. Avant, je retape les 10 000 premiers mots de Fées et Gobelin, à qui je trouve un titre un peu plus vendeur : Bienvenue à l'Hôtel Imaginaire. Je ressors de ces rencontres avec des cartes de visite très précieuses : les personnes à qui elles appartiennent veulent lire mon roman, je n'ai donc plus qu'à le finir. Haha. Ah. Il me faudra un an et deux mois pour arriver à une version finale, une version dont je puisse dire que seule, sans aide professionnelle, c'est le mieux que je puisse faire, une version dont je suis fière... ce qui nous amène à
Juillet 2023.
J'envoie mon roman aux deux éditrices qu'il avait intéressé en 2022. Très rapidement tombe un premier retour négatif et moi, étrangement, ça me soulage. Pas que je ne sois pas prête à voir ce livre prendre son envol (si c'était le cas, je ne l'aurais juste jamais envoyé), mais je ne suis pas prête à l'entrée par la grande porte, si tant est qu'elle existe vraiment, dans l'édition. Ça me fait peur, les grandes maisons d'édition, les machines bien huilées dont on ne sait pas vraiment ce qui cause le mouvement des rouages (l'argent, c'est l'argent), et donc ce refus me soulage plus qu'il ne m'attriste. La seconde maison contactée, pour des raisons fort légitimes que j'ai apprises après, ne m'a jamais répondu.
Par le biais de Charlotte Faraday, talentueuse traductrice et créatrice de bougies géniales, Bienvenue à l'Hôtel Imaginaire est transmis à une troisième éditrice, dont le refus argumenté signe pour moi la fin des aventures éditoriales de ce roman. Je ne compte pas démarcher d'autres maisons d'édition, je ne me pense pas faite pour l'auto-édition, le chemin s'arrête ici et ce n'est pas un drame en soi. Si ce n'est pas pour celui-là, ce sera pour le prochain, peut-être.
Mais l'univers et mes ami·es avaient pour mon avenir littéraire d'autres plans, apparemment, et c'est en la personne de Florence que cela s'est manifesté. Iel m'a parlé d'une éditrice en devenir qui, pour valider son master d'édition, était à la recherche d'un manuscrit fini de SFFF qui correspondait plutôt à ce que j'avais écrit... et Florence a eu raison, car c'est bien mon roman que Léa a choisi.
Octobre 2023 - septembre 2024.
Léa, mon éditrice, et moi avons travaillé longtemps et beaucoup pour arriver à une version finale de ce roman, dont le titre a été un peu raccourci. L'Hôtel Imaginaire va bientôt ouvrir ses portes et il est rutilant, refait à neuf, surtout la façade... Sa couverture est incroyable, sublime, j'en suis fan, tellement fan ! Le travail de Chloé Rousseau-Maurice est tout simplement splendide, et je n'aurais pas pu rêver mieux : d'ailleurs, je n'ai PAS rêvé mieux. (Il se trouve que Chloé aussi, est une amie, excusez-moi d'être vraiment très bien entourée dans la vie.)
En juillet, ce roman sera disponible à la vente. Fin septembre partiront vers les lecteurices les exemplaires commandés (et signés !), et moi... je regarderai tout ça d'un peu loin, à la fois parce que ce livre ne m'appartiendra définitivement plus, mais aussi parce que je serai occupée à en écrire un autre.
J'ai hâte, j'avoue, que L'Hôtel Imaginaire soient entre vos mains et plus dans les miennes. J'espère qu'il vous plaira au moins autant que moi, j'ai eu du plaisir à l'écrire pendant presque quatre ans, que Léa en a pris à l'éditer, et que Chloé en a pris à l'illustrer.
A bientôt dans vos bibliothèques, peut-être ?
Anaïs Coste