24/10/2024
"Et maintenant, tu écris sur quoi ?" rien, justement, et c'est bien mon problème : on fait comment, quand on est terrifiée à l'idée de commencer un nouveau projet après en avoir publié un ?
Il faut que je vous avoue quelque chose : j'ai peur. Depuis que j'ai su que L'Hôtel Imaginaire allait être édité, je n'ai quasiment travaillé que sur ce texte, n'écrivant qu'en ateliers d'écriture, sur des nouvelles ou sur la romance que j'ai décidé de reprendre depuis le début (mais un autre jour qu'aujourd'hui). Et si j'ai peur, c'est parce que je me demande si je suis encore capable de finir un roman. Ou même d'en commencer un, d'ailleurs.
Pas que je pense que L'Hôtel soit mon chant du cygne (au contraire, je me souhaite qu'il ne soit que le commencement), mais... et si j'avais vidé toute ma créativité dans ses trois cents pages ? Si j'y avais mis toute mon énergie créatrice, s'il ne me restait rien que des batteries vides et inutilisables ? J'ai bien conscience que je mets Paris en bouteille et pourtant, je n'arrive pas à refouler le doute. Je ne manque pas d'idées, en témoigne mon carnet d'écriture qui fourmille de pas moins de 7 projets différents, mais... et si je n'en étais pas capable ? Si je n'étais pas à la hauteur des attentes, celles du milieu littéraire et celles de mon tout frais lectorat ?
Récemment, j'ai parlé de ce sentiment avec d'autres artistes-auteurices, et j'ai été bien soulagée de constater qu'il était non seulement commun mais aussi universel, ce qui veut dire deux choses : je ne suis pas originale ET ça se soigne. Pourquoi ça m'a apaisée ?
Et bien d'abord, j'aime l'idée d'être comme tout le monde. Si j'ai longtemps voulu cultiver mon individualité, aujourd'hui je préfère largement passer mon temps entourée de gens qui me ressemblent. "I'm not like other girls", c'est overrated, voilà, je l'ai dit. Ça vaut pour la vie quotidienne mais aussi pour l'écriture, puisque je fais partie des gens qui défendent bec et ongles l'expression qui dit qu'on invente plus rien : tout a déjà été raconté, c'est la manière dont on choisit de le faire qui compte, et même ça, ça n'a pas besoin d'être original. Que ce soit nos séries préférées ou nos livres favoris, tout se compte en tropes, clichés et schémas narratifs vus et revus, et ce n'est pas grave. Attention, je ne dis pas là qu'il faut fuir l'originalité, la différence ou le progrès, mais qu'on a le droit de pas vouloir être acteurice d'une révolution littéraire à chaque fois qu'on ouvre un fichier texte. Et moi, je n'ai rien envie de révolutionner, en tout cas par pour le moment. J'aime l'idée de découvrir de nouvelles choses et de m'essayer à de nouveaux genres sans la pression de devoir être particulière, pression qui parfois, je le vois bien, habite et abîme mes ami·es créateurices, et en ce moment-même, me bloque. (mes copaines auteurices et moi)
Quand j'ai soumis L'Hôtel Imaginaire, ce retour est revenu deux fois : "manque d'originalité dans la structure" et c'était vrai, et je revendique toujours n'avoir pas voulu réinventer l'eau chaude avec ce roman, mais ça a quand même été douloureux à recevoir. A l'ère du numérique, où les trends s'enchaînent, faudrait-il aussi écrire toujours plus innovant ? Mais l'innovation, qu'est-ce que c'est, même, quand on sait que les maisons d'éditions sont toujours plus frileuses à choisir des textes engagés ou qui sortent des codes du moment ? Et si ma peur, au fond, c'était ça : ne plus jamais écrire quelque chose qui mérite d'être publié ?
Réflexion qui me mène à mon second point : ça se soigne.
Ce que j'ai ressorti de mes conversations avec d'autres créateurices, c'est que ce ventre mou que je ressens depuis la publication de mon premier roman va passer. Quand on crée avec le cœur (les techbros et l'IA générative, je vous vois et je vous juge), on y retourne toujours, et cette sensation, c'est aussi le chemin de la maturité. En publiant un roman que j'ai mis quatre ans à penser, écrire et réécrire, j'ai condensé tout un pan de mon existence, et il faut le temps de digérer ça. C'est long, de créer, c'est ardu, mais ça en vaut la peine.
Maintenant que je suis une autrice publiée, j'ai un peu peur de me sentir obligée de chercher à éditer tout ce que j'écris, mais en fait, ça, c'est à moi d'en décider. Je peux écrire juste pour le beau jeu, sans chercher de récompense, et peut-être que comme L'Hôtel Imaginaire, ça marchera, ou que comme les romans qui ornent mes disques durs externes, ce sera un bon entraînement.
Ainsi donc, je vais guérir de cette maladie qui m'accable (marrant, car j'ai aussi une angine carabinée) et me remettre à écrire des choses qui seront ou ne seront pas originales, et ce sera très bien. Je vais créer et écrire pour le plaisir de, l'art de, et ce sera cool : comme je suis une suiveuse de modes, je manifeste tout ça dans mes sessions futures — la meuf la plus commune du monde, je vous l'ai dit.
J'espère que vous, ça va, et si vous êtes dans le même marécage de doutes que moi, venez on se fait un café Méthode Coué et on se remonte les manches ensemble ?
La bise !